mercredi, mars 13, 2019

Pendant ce temps-là en Angleterre


Au cours de notre discussion sur le réchauffement climatique, Eric m'a sorti cette image montrant une évolution de la température en Angleterre qui peine à être influencée par les émissions de CO2. Avec un jeu de donnée qui remonte quand même à 1659!

Dans ce genre de comparaisons, il y aura quelques précautions à prendre. Tout d'abord, la zone géographique choisie pour suivre la température devra éviter les zones urbaines (on a pas envie de mesurer l'amélioration de l'isolant des maison au fil des siècels) et côtières (les masses d'eau sont lentes à réchauffer ou refroidir) le fait qu'on parle ici de "central England" (Bristol-Lancaster-Londres)met plutôt en confiance, et le site proposant le jeu de données (il s'agit du "hadcet") mentionne qu'ils ont pris soin de corriger l'effet des villes de -0.2°C. Pas parfait, mais en attendant d'avoir trouvé trois études qui prouveraient que c'est un mauvais choix, je vais leur accorder ma confiance là dessus aussi.

L'autre élément c'est évidemment de regarder (côté CO2) les concentrations globales dans l'atmosphère -- ou à défaut, les émissions globales. Regarder uniquement les émissions Anglaises, ce serait faire fi des effets de brassages des gaz capables de disséminer un "pic" de CO2 sur l'ensemble de la planète en l'espace d'un an, n'en déplaise au Docteur. Idéalement, il faudrait modérer ce taux de CO2 avec les autres effets découlant de l'activité humaine (antropogéniques ? je ne sais plus. Je ne suis pas météorologue), en particulier les concentrations en particules en suspension dans l'air (que le GIEC désigne sous le nom d'"aérosols") et qui ont généralement un effet refroidissant sur le climat ... une version réduite de l'hiver-qui-éteint-les-dinosaures, si je peux oser un appel à votre mémoire d'enfant sans pour autant devenir alarmiste.

Les conditions semblent donc réunies pour avoir un test pas idéal, mais valable, si ce n'est cette espèce de grosse flèche verte, tout rectiligne supposée nous montrer la "tendance" et nous convaincre que tout ça correspond à +0.26°C par siècle d'une façon totalement indépendante des émissions, et qui a plus un look de propagande que d'information scientifique.

source: MET office, retrieved on Mar 12th 2019.
Eh bien figurez vous que le bureau du MET met non seulement les données à notre disposition dans un format compatible avec gnuméric, mais nous offre en plus un aperçu de ces données en graphique, avec mise à jour quotidienne.

La valeur de 0.0 sur ce graphique, c'est la température moyenne sur l'ensemble du jeu de données, soit quelque part autour de 9.2°C. Vu comme ça, il y a très nettement deux périodes dans l'histoire des températures Anglaises sur les 3 derniers siècles: une longue période jusqu'aux alentours de 1940 où la température moyenne est presque toujours sous cette moyenne de 9.2, et une autre où on est presque toujours au-dessus.

Mais tout ça reste très fluctuant, et on aurait bien du mal à dire si c'est une augmentation progressive ou brusque rien qu'avec les mesures en bleu. Heureusement, le MET nous calcule également la moyenne sur les 10 dernières années en tout point (la courbe rouge). Plus facile à suivre mais encore très oscillante. Trop à mon gout pour qu'on puisse s'en servir pour observer une tendance de quelque type que ce soit.


J'ouvre donc tout ça dans mon tableur et je me calcule une moyenne avec une fenetre glissante de 30 ans de large. ça donne la courbe rose. je n'ai pas de valeur pour les 30 premières années du coup, évidemment, mais sur ce graphique, il devient évident que la tendance entre 1720 et 1930 est à un plat, et qu'après 1930, la tendance est à la hausse, avec une forte accélération de cette hausse à partir de 1990.

Pourvu qu'on se souvienne de l'inertie de 10-20 qu'une émission de CO2 peut avoir avant de se traduire en effet perceptible sur le climat, il devient difficile de continuer à dire qu'il n'y a pas de lien entre les deux.

Reste le dernier truc, cette ligne à 17°C de moyenne étiquetée "prévision du modèle pour 2100". La pente de la courbe rose observée ces 50 dernières années correspond à +1.5°C par siècle, et celle des 20 dernières années à +2.8°C par siècle. Alors effectivement, on retrouve une pente similaire entre 1700 et 1737, mais elle suivait là un demi-siècle de refroidissement, pas un demi-siècle de réchauffement plus lent. Tout à fait d'accord: 10.2 + 2.8, on serait à la fin du siècle vers 13°C de moyenne, pas 17, mais ça, ce n'est pas un modèle climatologique: c'est juste une ligne droite tracée au bout d'un graphique, comme un sales manager qui tente de convaincre son conseil d'administration. Et évidemment, le graphique d'origine ne nous dit en rien si ce modèle est un des plus pessimistes (la vitesse d'augmentation des facteurs de réchauffement est maintenue) ou non. Mais bon, ce genre de discussion, ce sera pour plus tard: il faudra d'abord que je retourne à la chasse aux infos. On ne sait pas non plus si ce 17°C est la valeur en Angleterre ou une valeur moyenne pour la Terre (estimée à 15°C actuellement ... les 17°C ne seraient plus qu'à 2°C et donc tout à fait plausibles).

Et non, on arrive pas avec le même résultat sur l'image d'origine: elle s'arrête en 2009, or 80% des années parmi les 10 plus chaudes (au niveau planétaire - HadCRTU4, cette fois) sont entre 2009 et 2018. Donc, si on vous colle un graphique de ce genre, exigez d'abord qu'il aille jusqu'à l'année en cours avant de passer autant de temps que moi dessus.

NOTE: l'inertie de 10-20 ans, c'est juste lu dans le rapport du GIEC pour l'instant. A analyser, mais ça ne me semble pas ridicule vu qu'il faut d'abord réchauffer une énorme masse d'océans -- facteur calorimétrique de 4180 -- avec de l'air -- facteur 1005 -- avant d'arriver à réchauffer durablement l'air lui-même.

14 commentaires:

PypeBros a dit…

Il y a quand-même un truc louche, cela dit: si je compare la courbe que j'ai eue (en bleu) avec les données du CET et le graphique présentant les mêmes données (enfin, ça devrait être les mêmes) venant directement du CET, on ne voit pas cette majorité de données sous la barre de 'l'anomalie 0' chez moi (j'ai placé l'axe horizontal le long de cette valeur moyenne de 9.2°C) ...

eric a dit…

Est-ce les phénomènes el nino ont pris en compte dans les courbes de températures ?


PypeBros a dit…

En principe, ce sont les mesures brutes. Il n'y aura donc pas de compensation pour autant que je sache, d'autant qu'à première vue, les effets à distance sur le climat Européen (et j'imagine, Britanique) sont mal compris et difficile à dissocier des autres influences.

Mais par contre le rapport du GIEC reprend avec des détails assez surprenant pour le profane tout une série d'évènement du genre El niño / éruption en Islande, etc. au fil des derniers siècles, avec un compte-rendu des effets à court et moyen terme par les équipes qui ont étudié ça ... à l'occasion, je repasserai ajouter des étiquettes avec des n° de pages quand c'est pertinent.

eric a dit…

"[..] elle s'arrête en 2009, or 80% des années parmi les 10 plus chaudes [..] sont entre 2009 et 2018. Donc, si on vous colle un graphique de ce genre, exigez d'abord qu'il aille jusqu'à l'année en cours"


L'auteur nous offre les températures depuis 1659 qu'il colle avec le taux de CO2 depuis la même année et démontre ainsi qu'il n'y a pas de corrélation entre les deux courbes.


En quoi les 9 ans manquants (il manquera toujours des années !) invalide l'analyse des 350 années précédentes ?


PypeBros a dit…

La présence des 9 dernières années est à mon avis cruciale parce que le phénomène est récent et en cours d'amplification. De plus, il souffre d'un effet d'amortissement de par l'inertie thermique des océans: le CO2 libéré il y a 20 ans (durée approximative à vérifier) ne commence à faire ressentir des variations de la température atmosphérique que maintenant parce que tant que les océans sont plus froids que l'atmosphère, ils capturent cette chaleur avec un rapport proche de 4 contre 1.

On ne verra pas non plus corrélation entre les **émissions** et la différence de température parce que ce sont les **concentrations** qui jouent. On aurait au mieux corrélation entre température à l'année T et l'intégrale des émissions au-dessus des facultés de capture du CO2 de la Terre jusqu'à l'année T. (heureusement on n'aura pas à faire cette intégrale depuis Mathusalem si on fait l'hypothèse que le cycle du CO2 était à l'équilibre dans les années pré-industrielles ... hypothèse forte, je l'admets, c'est pour ça qu'il vaut mieux avoir la courbe des concentrations directement. Je reviens sur le sujet quand j'en ai trouvé une).

Je re-commente si je trouve un exemple approprié de lien causal sans une belle corrélation dans un autre domaine plus intuitif, mais à la base, la mesure de corrélation ne sait se faire qu'à l'aide d'une loi mathématique supposée. Si l'effet dépend de la racine carrée ou du cube de la cause, on ne verra pas de corrélation si on suppose une loi linéaire (à contrôler dans un cours de statistiques).

eric a dit…


Si réchauffement climatique anthropique il y a, on a pas besoin des années 2009 a 2018 pour le démontrer, étant donné qu'il est censé être là depuis 1870, que la majorité du carbone disponible est déjà dans l'atmosphère, qu'on en parle depuis bien avant, etc.

Ensuite, comment savoir si la hausse des dernières années est liée à El Nino ou a autre chose de temporaire ? C'est la tendance (depuis 1659, excuse moi du peu !!) que l'on cherche et pas à expliquer un cas particulier, récent et sans recule aucun.

Enfin, comme la corrélation entre émission de CO2 et augmentation de t° ne saute pas aux yeux, c'est le moins qu'on puisse dire, c'est a celui qui l'invoque de la démontrer. Que répond le GIEC concrètement ?

En passant si les océans capturent la chaleur, on devrait alors avoir la courbe de la température de l'océan corrélée à celle des émissions, est-ce le cas ?
En tout état de cause, l'océan doit finir par relâcher cette chaleur, et on ne la trouve pas non plus dans la courbe des t° terrestres...

Très honnêtement, si il n'y avait pas un matraquage monstre autour de cette question, le Global warning serait rangée avec toutes les autres prédictions apocalyptiques tellement ca semble grotesque (au passage tu as du voir l'étude sur la couche d'Ozone par Hervé le Bras ?)


eric a dit…

note #2:

L'augmentation des émissions entraine l'augmentation de la concentration en CO2 et donc, normalement, l'augmentation de la température. Il y a donc bien un lien qui devrait apparaitre. Le lien est censé être linéaire.

Pas besoin de faire la somme depuis 1M d'année, ce qui importe c'est la quantité dans l'atmosphère qu'on récupère dans les carottes de glaces très facilement. Ca n'aurait d'ailleurs aucun sens étant donné que le CO2 est consommé par tout ce qui est vivant !

PypeBros a dit…

ça semble des questions valides et j'ai vu des choses qui parlaient de ces points la en "feuilletant" le rapport du GIEC, justement. Je vais tenter de les retrouver.

Pas sûr que l'océan relâche la chaleur, par contre. En tout cas, pas tant que la quantité d'énergie qu'il reçoit ne diminue pas: il ne sait la relâcher que par évaporation ou par rayonnement. Mais ça aussi, j'y reviendrai avec des références.

eric a dit…

Ce me fait penser aux procès en sorcellerie.

Le Diable est partout, il met les humains en danger, mais on ne le voit jamais et ne laisse que des traces indirectes très subtiles que seules les meilleurs théologiens savent détecter du haut de leur science.

Ici on a un Global Warming sur toute la planète, il met les humains en danger mais on ne le voit jamais et aucune mesure ne semble le démontrer, seuls les climatologues savent détecter les subtiles traces...

eric a dit…

> il ne sait la relâcher que par évaporation ou par rayonnement.

oui, enfin, il le fait très bien tout au long de l'année, c'est le principe du climat océanique (la masse d'eau atténue les températures extrêmes, tant le chaud de l'été que le froid de l'hiver).


PypeBros a dit…

un point d'entrée sur les données du carottage glaciaire. https://www.co2.earth/co2-ice-core-data, avec un lien vers les données brutes en format excel aussi (qui me servira à valider les graphiques interactifs épatants du site 'co2.earth', qui n'a pas l'air aussi neutre que ma démarche le voudrait)

PypeBros a dit…

(et j'ai une p'tite note qui parle de la figure 8.18 à la page 699 du rapport, aussi)

PypeBros a dit…

(à analyser plus tard pour El Niño et La Niña: http://jfarmersalmanac.com/climate-change/2015-hottest-year-in-history/)

PypeBros a dit…

Et si je dis qu'il faut exiger des données à jour, c'est parce que sans ça, les gens qui annoncent "rien a changé depuis les 20 dernières années ont trop facile de nous coller n'importe quelles 20 années qui permettent de tirer un traît horizontal, même si on a pu comprendre depuis les raisons de ce comportement